Une affaire de droit

Alors que le lancement des brigades COVID était initialement prévu le 11 mai 2020, il en a été autrement : même une procédure accélérée ne permet pas d’aller plus vite que la musique juridique.

De fait, depuis l’annonce gouvernementale, les brigades COVID ont suscité des inquiétudes légitimes. Sans tomber dans la suspicion ni faire de procès d’intention, le SNFOCOS avait d’ailleurs relayé diverses craintes et revendications préalablement à la session d’audio conférence réunissant les Directeurs généraux et les organisations syndicales. Ces craintes étaient également présentes parmi les représentants des professionnels de santé, le Conseil National de l’Ordre des Médecins en premier. Ces craintes ont justifié de la part du Président de la République, du Président du Sénat, ainsi que de députés et sénateurs, plusieurs saisines du Conseil Constitutionnel au sujet de la loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions. C’est notamment l’article 11, relatif au contact tracing qui a ainsi été soumis aux « sages » pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des mesures.

Une exigence : le respect du droit et des droits

L’article 11 fixe un cadre général à la mission de traçage : il organise les conditions dans lesquelles les données médicales des personnes atteintes par le COVID-19 et de celles ayant été en contact avec ces dernières peuvent être partagées entre certains professionnels chargés de traiter les chaînes de contamination.

Dans son avis, le Conseil constitutionnel rappelle des éléments fondamentaux :

  • Il existe déjà des systèmes d’information relatifs aux données de santé ;
  • En prévoyant que des données à caractère personnel relatives à la santé des personnes atteintes par le covid-19 et des personnes en contact avec elles peuvent être traitées et partagées, sans le consentement des intéressés, le législateur a poursuivi un objectif de valeur constitutionnelle : la protection de la santé !

Il prend ensuite le soin de préciser les mesures existantes ou à prendre pour respecter les droits individuels :

  • Le législateur a restreint le champ des données de santé à caractère personnel susceptibles de faire l’objet de la collecte, du traitement et du partage en cause, aux seules données strictement nécessaires;
  • Si le champ des personnes susceptibles d’avoir accès à ces données à caractère personnel, sans le consentement de l’intéressé, est particulièrement étendu, cette extension est rendue nécessaire par la masse des démarches à entreprendre pour organiser la collecte des informations nécessaires à la lutte contre le développement de l’épidémie. Le Conseil constitutionnel en déduit à cet égard que les organismes qui assurent l’accompagnement social ne rentrent pas dans ce périmètre ;
  • Chaque organisme n’est appelé à participer au système d’information mis en place que pour la part de ses missions susceptibles de répondre à l’une ou l’autre des finalités propres à ce système d’information et n’a accès qu’aux seules données nécessaires à son intervention. A cet égard, le conseil constitutionnel rappelle que les agents de ces organismes ne sont pas autorisés à communiquer les données d’identification d’une personne infectée, sans son accord exprès, aux personnes qui ont été en contact avec elle. En outre, et de manière plus générale, ces agents sont soumis aux exigences du secret professionnel et ne peuvent donc, sous peine du délit pénal d’atteinte au secret professionnel, divulguer à des tiers les informations dont ils ont connaissance par le biais du dispositif ainsi instauré.

 

Ces exigences sont ainsi déclinées dans le décret N°2020-551 du 12 mai 2020 relatif aux systèmes d’information. Ce dernier vient ainsi strictement encadrer les systèmes d’information puisqu’il prévoit notamment que les agents spécialement habilités, dont ceux des CPAM, sont « autorisés à enregistrer l’ensemble des données » nécessaires (données limitativement listées) et « à les consulter dans la limite de leurs besoins respectifs d’en connaitre, pour assurer les seules finalités » tenant à l’identification et l’orientation des personnes infectées ou susceptibles de l’être s’agissant du système d’information « amelipro » (art 3).

S’agissant des données médicales, enregistrées dans un système ad hoc, le SI-DEP (système d’information national de dépistage), elles se limitent aux résultats d’examens de dépistage du COVID-19. Les agents spécialement habilités sont destinataires des données « nécessaires à la réalisation des investigations concernant les personnes évaluées comme contacts à risque de contamination, au suivi et à l’accompagnement des personnes et à la réalisation des enquêtes sanitaires » (article 10).

Dans un cas comme dans l’autre :

  • Les opérations de mise à jour, de suppression et de consultation du traitement font l’objet d’un enregistrement qui comporte l’identification de l’utilisateur, les données de traçabilité, notamment la date, l’heure et la nature de l’intervention dans le traitement et les données relatives aux actions sur la fiche (initialisation de la fiche, validation, fin) ;
  • Les données à caractère personnel recueillies ne peuvent être conservées à l’issue d’une durée de 3 mois après leur collecte, conformément à l’avis du Conseil constitutionnel.

En tout état de cause, les principes régissant les traitements des données à caractère personnel et les droits reconnus aux personnes dont les données sont collectées, notamment leurs droits d’accès, d’information et de rectification s’appliquent.

La vigilance du SNFOCOS ne se portera ainsi pas sur la mission car elle démontre l’importance de la Sécurité sociale alors même que la menace sur les Branches ATMP et retraite plane encore.

Le SNFOCOS sera vigilant sur les modalités de réalisation de cette mission. Il s’agit de s’assurer que le personnel est et restera volontaire, y compris pour les astreintes.

Les situations remontées depuis divers organismes font état d’un « embrigadement » contraint et de situations d’astreintes imposées sans délai de prévenance et avant même l’information du CSE. Ce n’est pas à la hauteur de l’investissement sans faille du personnel.

L’importance de la mission ne doit pas faire oublier que les salariés répondent présents à chaque fois et absorbent ces dernières années des surcharges de travail induites par de nouvelles missions alors même que la valeur du point est bloquée, que les moyens diminuent sous l’effet des COG et que la négociation relative à la classification des emplois répond aux attentes des employeurs sans être à la hauteur des attentes et du mérite du personnel.

C’est pourquoi le SNFOCOS continue de revendiquer pour obtenir l’instauration d’un plan d’investissement et de revalorisation au profit des personnels, actuels et futurs, de la Sécurité sociale, de l’administratif au dirigeant, en passant bien entendu par les personnels médicaux et paramédicaux !

Chafik EL AOUGRI, Secrétaire national en charge de la Branche Maladie


DERNIÈRE MINUTE

Le décret permettant aux organismes qui participent à la mise en œuvre du contact tracing de déroger au repos dominical a été publié au journal officiel samedi 16 mai 2020. Pris en application de l’article 7 de l’ordonnance du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jour de repos, le texte ouvre la possibilité aux employeurs de déroger à la règle du repos dominical pour les activités d’identification, d’orientation et d’accompagnement des personnes infectées ou présentant un risque d’infection au covid-19 et de surveillance épidémiologique aux niveaux national et local dans le cadre de la lutte contre la propagation de l’épidémie de covid-19. Ces employeurs pourront attribuer ainsi le repos hebdomadaire par roulement.