Après près d’un an de « négociations », un accord sur la formation professionnelle a été proposé à la signature des organisations syndicales le 19 décembre 2019. Sans aller jusqu’à le qualifier de « coquille vide », ce texte était malheureusement trop lacunaire pour pouvoir être signé par le SNFOCOS.
Un nouveau recueil de déclarations d’intention ?
Dès le préambule, le ton était donné : à l’exception de la contribution conventionnelle qui aurait pu être l’objet d’un accord indépendant que nous réclamions, mais que l’UCANSS a voulu lier à son texte (pour forcer la main des organisations syndicales ?), il s’agit plus de bonnes intentions et de déclarations de principes que de moyens.
Nous revendiquions des mesures spécifiques au profit de catégories spécifiques de salariés éloignés de l’accès à des formations et/ou souhaitant bénéficier d’un projet de transition professionnelle. Nous visions notamment les salariés soumis à des engagements familiaux (salariés en situation de monoparentalité ou d’aidant familial).
L’UCANSS n’a pas donné suite dans son texte, préférant laisser le soin à la CPNEFP (Commission Paritaire Nationale de l’Emploi et de la Formation Professionnelle) de lister chaque année les publics et les critères d’éligibilité à l’abondement.
Or, dans d’autres secteurs, l’accord formation professionnelle a pris le soin de cibler des catégories de salariés et d’emplois prioritaires, ainsi que des catégories de salariés faisant l’objet d’une attention particulière. Sans être un exemple, c’est le cas notamment de l’avenant du 28 juin 2019 à l’accord relatif à la formation professionnelle à la CCMSA du 4 décembre 2017.
Pour le SNFOCOS, les salariés soumis à des engagements familiaux (essentiellement des femmes dans nos organismes) auraient mérité d’être ciblé afin de donner corps aux déclarations d’intentions de l’UCANSS qui a préféré se limiter à inscrire dans le préambule de l’accord que : « Les partenaires sociaux rappellent que les employeurs doivent veiller à un égal accès à la formation pour les femmes et pour les hommes et prévenir toute forme de discrimination dans la mise en œuvre de la politique de formation.[…] »
Une prise en charge des frais exposés pour suivre la formation aurait pu être prévue. Sans représenter une enveloppe excessive (quelques centaines d’euros par salarié concerné, soit quelques milliers d’euros par an pour chaque organisme), elle aurait pu couvrir : frais de garde des enfants et/ou des personnes à charge, frais d’accompagnement des enfants à l’école et/ou aux activités extra scolaires, organisation de soins à domicile et frais de transport de l’aidé, portage de repas et/ou livraison de courses, aide à domicile, accompagnement aux examens médicaux…
D’ailleurs, comme le SNFOCOS l’a rappelé, selon le protocole d’accord du 28 juin 2016 relatif à la promotion de la diversité et de l’égalité des chances, « une bonne articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés est de nature à favoriser une meilleur intégration et implication du salarié ».
Un rendez-vous manqué !
Un accompagnement restreint
Pour notre délégation, outre l’impérieuse nécessité de prévoir des mesures d’abondement dédiées (voir supra sur l’absence de mesures spécifiques au profit de catégories spécifiques de salariés éloignés de l’accès à des formations et/ou souhaitant bénéficier d’un projet de transition professionnelle), un accord de branche post réforme de la formation professionnelle devrait avoir le formé comme préoccupation principale.
Inscrire le formé au centre de l’accord (rappelons ici que la loi parle de liberté de choisir son avenir professionnel), c’est lui offrir des moyens matériels, humains et financiers. A cet égard, la délégation du SNFOCOS avait été la première à alerter l’UCANSS sur l’importance de l’accompagnement et de l’abondement du CPF.
En effet, face aux évolutions législatives successives qui ont totalement bouleversé les paradigmes traditionnels de la formation professionnelle et à l’accélération des transformations des missions et des métiers, l’accord formation professionnelle dev(r)ait octroyer à chaque salarié un rôle actif dans la construction de son parcours professionnel en développant une responsabilité conjointe du salarié et de son employeur au travers d’une nouvelle approche de la formation.
En fait, en vue de rendre les salariés acteurs de leur propre développement et de renforcer leur proactivité dans l’élaboration de leur parcours de formation, il aurait été nécessaire de repenser le recueil des besoins en formation pour en faire, non plus un processus descendant, standardisé et imposé à un instant donné mais une opportunité pour chacun d’exprimer ses souhaits de formation au responsable hiérarchique et au responsable RH/GPEC, lesquels devraient en retour davantage informer le salarié sur les perspectives d’évolution des métiers au regard des grandes orientations de la GPEC au sein de l’organisme, de la branche et en inter branche.
Concrètement, 2 axes devraient être inscrits dans un réel accord traitant de la formation professionnelle en vue de garantir et/ou développer l’employabilité durable :
- une communication renforcée auprès des salariés sur les parcours de compétences par métier existants, les nouveaux droits liés à la formation et la mise en place des dispositifs de formation adéquats ;
- un accompagnement soutenu des salariés dans la construction de leur parcours de formation en fonction de l’évolution de leur emploi, des besoins de l’entreprise et de leurs aspirations professionnelles. Ceci passe notamment par une formation accrue des managers aux réalités de la formation professionnelle et/ou un renforcement des services RH/GPEC.
Or, dans de nombreux organismes, la GPEC demeure un concept plus qu’une réalité de sorte que n’émerge pas de SERC (Stratégie de l’Emploi, des Ressources et des Compétences). Faute de SERC connue (nationale comme locale).
Faute de communication à destination des IRP et des managers locaux, comment mettre en adéquation les besoins des organismes et leurs ressources en compétences, et comment permettre à chaque salarié de mettre en œuvre son projet professionnel ?
En vue de permettre au salarié de devenir l’acteur principal de son évolution professionnelle, qu’elle soit au sein de son organisme, d’un autre ou en dehors, il convient de développer l’employabilité durable. Or, un parcours de formation ne s’improvise pas, il doit être pensé et construit et l’accord est muet sur cet aspect.
Il aurait pourtant pu être mis en place au niveau national (au sein de l’institut 4.10, de chaque caisse nationale et/ou de l’UCANSS) un service permettant aux services RH/GPEC, aux managers et aux salariés d’avoir :
- un libre accès guidé à des ressources pédagogiques (digitales ou non). Un « formateur » ou un référent guide la personne vers les ressources qui peuvent lui être utile, tout en lui laissant, in fine, le choix de ces ressources ;
- un partage des connaissances et une entraide, par communauté notamment, pour faciliter l’acquisition de compétences ou la résolution de problèmes…
Ni reconnaissance, ni prise en compte des acquis de la formation ?
Alors que la négociation relative à la classification piétine, notamment autour de l’absence de reconnaissance des compétences mises en œuvre dans la tenue du poste, l’accord proposé à la signature ne prévoyait aucune disposition concrète (et encore moins contraignante) en matière de reconnaissance et/ou de prise en compte des nouvelles compétences ou connaissances acquises.
Rappelons-le, trop souvent encore, des formations sont prodiguées à des salariés sans que ces derniers ne soient mis en capacité de les utiliser.
Plus avant, aucune disposition ne vient reconnaitre un droit à la reconnaissance et/ou à la prise en compte des acquis de la formation…ce qui devrait pourtant être la continuité de la garantie individuelle d’accès à la formation professionnelle inscrite à l’accord.
Les outils pédagogiques, d’information et d’accompagnement sont déficitaires, les moyens humains ne sont pas prévus, les moyens financiers sont limités à leur portion congrue (notamment parce que l’enveloppe dévolue à la formation doit désormais permettre de financer ce qui ne l’est plus par UNIFORMATION).
En l’état, le SNFOCOS n’avait donc d’autre choix que de ne pas signer le texte et de continuer de porter ses revendications !
Chafik EL AOUGRI, secrétaire national en charge de la formation professionnelle