Nous avons appris mi-août le décès d’Hubert Bouchet, ancien Secrétaire général des Cadres de Force Ouvrière.
Michel Noblecourt dans les colonnes du Monde du 14 août lui a rendu hommage, nous vous le partageons :
Hubert Bouchet, ancien secrétaire général des cadres de Force ouvrière, est mort
Esprit original, franc-tireur, passionné par le rôle des nouvelles technologies sur l’économie et le travail, ce responsable syndical a dirigé la fédération des cadres et ingénieurs de FO de 1983 à 2006. Il est décédé le 14 août, à l’âge de 76 ans.
Avec passion et créativité, il n’a eu de cesse de sortir le syndicalisme des sentiers battus, lui assignant la mission de « garder l’essentiel et guetter le futur ». Ancien secrétaire général de l’Union des cadres et ingénieurs de Force ouvrière (UCI-FO), Hubert Bouchet est mort samedi 14 août au matin, à Châteaubriant, à l’âge de 76 ans, où il était, selon sa volonté, en sédation palliative (Loire-Atlantique). Il souffrait d’un cancer du pancréas, combattu avec courage, aux côtés de Danièle, sa compagne.
Fils d’agriculteur, il naît le 27 août 1944 au lendemain de la libération de son village, « entre vendanges précoces et moissons tardives ». Destiné à la ferme, après l’école primaire et le certificat d’études chez les frères de Ploermel, il suit des cours par correspondance pour avoir le niveau bac puis, après le concours des écoles d’ingénieur de l’agriculture, sort de celle d’Angers en 1967.
Chargé de formation à l’Institut national de promotion agricole de Rennes de 1968 à 1971, Hubert Bouchet anime ensuite pendant trois ans des émissions télévisées de promotion rurale. En 1975, il entre comme chargé de misson au secrétariat général de la formation professionnelle. A cette date, il adhère à FO, un choix naturel : « J’étais un anticommuniste primaire, explique-t-il, donc pas question de CGT. J’étais contre la logique autogestionnaire, donc pas de CFDT ». De 1977 à 1980, il est responsable de la formation professionnelle à l’Institut national de l’audiovisuel.
« L’obsession de l’avenir »
C’est sa rencontre avec Robert Cottave, le secrétaire général de l’UCI-FO, qui va décider de son avenir. Nommé conseiller social auprès de la représentation permanente française à Bruxelles, ce dernier ne veut pas être remplacé par un apparatchik. « Ce sera toi, lui dit-il, je t’embauche. » André Bergeron, le grand patron de FO, demande à Cottave de lui parler de « l’ingénieur que personne ne connaît ». Le « père Bergeron », comme Hubert Bouchet l’appelle, l’adoube même s’il ne comprend pas ce qu’il dit. En janvier 1983, il est élu à la tête de l’UCI-FO. En marge de la centrale, déjà électron libre, il y restera vingt-trois ans jusqu’en octobre 2006.
Animé par « l’obsession de l’avenir », parlant peu du pouvoir d’achat des cadres et ne se souciant pas de développer son « objet syndical non identifié », Hubert Bouchet se fabrique un personnage à la Géo Trouvetout du syndicalisme, à l’affût d’inventions afin de « libérer la matière grise, souvent enchaînée comme des animaux entravés à l’étable ». Boulimique de lectures – dévorant les œuvres complètes de Clemenceau et de Jaurès –, il avait toujours en poche une citation piochée dans un spectre très large incluant Renan, Bachelard, Benoît XVI, Voltaire ou Marx. Pourfendeur de la pensée unique qui « consiste à chercher la clé sous le réverbère, sous prétexte qu’il y a de la lumière », le trublion aime être en décalage, se jouant des paradoxes. D’une gentillesse à toute épreuve, ce bon vivant jovial et drôle ne se prend jamais au sérieux. Il cultive « le meilleur de l’amitié », ému aux larmes par les malheurs de ses amis.
Travaux sur l’investissement immatériel
Hubert Bouchet déploie ses talents et son humanisme à FO et au Conseil économique, social et environnemental (CESE). Il y siège de septembre 1984 à octobre 2010 et y produira huit rapports officiels. Il s’illustrera par ses travaux, menés avec la complicité de Paul Delouvrier, ancien président d’EDF, sur l’investissement immatériel. Il y consacrera un rapport en 1989, puis un autre en 1994 sur « les leviers immatériels de l’activité économique », voté à l’unanimité par le CESE, CGT comprise. Il est convaincu qu’on arrivera à mesurer « la valeur ajoutée produite par la seule intelligence ». « La gloire s’attachera un jour au nom de M. Hubert Bouchet », proclame Delouvrier.
Le syndicaliste sort aussi de sa boîte à idées le bilan technique et le droit individuel à la recherche et à l’innovation. De 1990 à 2010, membre de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, fasciné par « l’ange numérique », il met en garde contre les évolutions technologiques qui peuvent constituer « un danger réel pour nos libertés individuelles ». Divorcé, père de deux fils, dont l’un, Thomas, écrit des livres historiques, il a voulu jusqu’au bout être un défricheur de l’avenir.
Hubert Bouchet en quelques dates :
27 août 1944 Naissance à Derval (Loire Atlantique)
1975 Adhère à Force Ouvrière
1983-2006 Secrétaire Général de l’Union des cadres et ingénieurs de FO
1984-2010 Membre du Conseil économique, social et environnemental
14 août 2021 Mort à Chateaubriand