Un employeur qui a accepté qu’un syndicat installe son siège dans son entreprise peut revenir sur sa décision, à condition cependant « de ne pas porter une atteinte injustifiée et disproportionnée à l’exercice du droit syndical », vient d’estimer la Cour de cassation (Cass.soc.,6-6-18, n°16-25527).
Un syndicat avait son siège statutaire dans les locaux d’une entreprise, en l’occurrence du secteur audiovisuel. Cette dernière lui avait permis de s’y domicilier, mais avait dénoncé cet usage, en octobre 2012, demandant au syndicat de modifier le siège statutaire et de le fixer en dehors des locaux de la société dans un délai de deux mois.
Le syndicat ne s’était pas exécuté. Par assignation délivrée début 2014, la société avait saisi le tribunal de grande instance pour que le syndicat soit condamné sous astreinte à effectuer cette modification. Ayant perdu en appel en 2016, le syndicat s’était pourvu en cassation où, devant la Cour, il avait argué notamment d’une atteinte à la liberté syndicale. Pour lui, en mettant unilatéralement fin à la mise à disposition d’un local, la société l’avait contraint à modifier ses statuts, ce qui portait atteinte à la liberté du syndicat de se constituer et de s’organiser librement. Il avait aussi fait valoir que la dénonciation d’un usage, celui de lui avoir accordé le siège dans les locaux de l’entreprise, devait être motivée car portant atteinte à la liberté syndicale.
Mais la Cour de cassation a estimé, le 6 juin 2018, « qu’aucune des prérogatives inhérentes à la liberté syndicale n’autorise les organisations syndicales à fixer leur siège statutaire au sein de l’entreprise sans accord de l’employeur, qu’il en résulte que celui-ci peut dénoncer l’usage les y autorisant sous réserve de ne pas porter une atteinte injustifiée et disproportionnée à l’exercice du droit syndical ». En outre, un délai raisonnable, deux mois en l’espèce, a été laissé au syndicat pour transférer son siège hors de l’entreprise. D’autre part, pour la Cour de cassation « aucun des éléments produits au débat ne laissait apparaître que la décision n’aurait pas concerné la totalité des organisations syndicales qui avaient fixé leur siège dans l’entreprise, ni que l’employeur aurait commis un quelconque abus de son droit de propriété ». Ce qui sous-entend que le syndicat en question aurait dû le prouver.
Article Force Ouvrière du 1er juillet- Juridique – Michel Pourcelot