La Cour de cassation l’a déjà affirmé : les modifications apportées à un protocole préélectoral doivent être négociées entre le chef d’entreprise et les organisations syndicales intéressées et ne peuvent résulter que d’un avenant soumis aux mêmes conditions de validité que le protocole lui-même. De nouveau saisie de la question, la Cour de cassation rappelle le principe dans un arrêt rendu le 3 octobre 2018. Mais elle en profite également pour signaler que la règle n’admet aucune exception. Toute modification du protocole, même plus favorable, doit impérativement être négociée.
L’arrêt du 3 octobre dernier est clair. Qu’importe le caractère plus favorable des modifications opérées par l’employeur et qu’importe l’absence d’opposition des organisations syndicales (OS), un protocole préélectoral ne peut être modifié que par avenant. Aucune exception n’est admise à ce principe.
Modification unilatérale du protocole
Dans cette affaire, un protocole d’accord préélectoral a été signé le 21 avril 2011 afin de mettre en place un comité central d’entreprise (CCE) au sein d’une unité économique et sociale (UES). Il prévoyait notamment que dans le cas où un membre titulaire du CCE cesserait son mandat en cours d’exercice, il serait remplacé par son suppléant.
Or, en février 2015, le représentant d’un comité d’établissement, membre titulaire du CCE, a démissionné avant l’issue de son mandat. Mais ce n’est pas son suppléant qui l’a remplacé.
Le directeur de l’établissement a en effet choisi de réunir le comité d’établissement afin d’organiser une élection pour lui désigner un remplaçant. Se prévalant du protocole d’accord préélectoral, les représentants de la direction centrale de l’UES ont contesté cette élection le 24 juillet suivant. La Cour d’appel de Toulouse ne leur a pas donné gain de cause, considérant, entre autres, « que le choix du chef d’entreprise de procéder au remplacement d’un titulaire au CCE par voie d’élection, en l’absence d’opposition des représentants élus ou des organisations syndicales, ne peut être en soi sanctionné alors qu’il est plus favorable à l’expression de la démocratie dans l’entreprise ». Autrement dit, elle a admis la modification unilatérale du protocole par l’employeur en appliquant le principe de faveur.
Les modifications ne peuvent résulter que d’un avenant …
La Haute juridiction n’a pas validé le raisonnement des juges du fond. En effet, rappelle-t-elle dans un attendu de principe, « si des modifications négociées entre le chef d’entreprise et les organisations syndicales intéressées peuvent être apportées à un protocole préélectoral, ces modifications ne peuvent résulter que d’un avenant soumis aux mêmes conditions de validité que le protocole lui-même ». Or, « il n’était ni invoqué ni justifié d’un accord entre les représentants de l’UES et les organisations syndicales centrales intéressées insiste la Cour de cassation. C’est donc sans surprise que l’arrêt de la Cour d’appel a été cassé.
La Cour de cassation s’en tient ainsi fermement à la ligne dégagée dans ses précédents arrêts. Il résulte, en effet d’une jurisprudence renouvelée que l’employeur ne peut pas modifier unilatéralement un protocole d’accord préélectoral. (v.Cass.soc; 12 juillet 2016, N°05-60.332 D : à propos de la modification des modalités d’organisation et de déroulement des opérations électorales arrêtées par le protocole; Cass.soc., 25 janvier 2016, n° 14-25.625 D : s’agissant de la modification du calendrier électoral fixé par le protocole ; Cass.soc., 28 mars 2012, n°11-19.021 D pour le report d’une heure de l’horaire de clôture du scrutin prévu au protocole ; Cass.soc.,7 juillet 2010, n°09-60-449 D : excluant qu’une simple proposition de l’employeur de signer un nouvel accord préélectoral ne puisse valoir modification). Le principe du recours à un avenant soumis aux mêmes conditions de validité que le protocole a été clairement posé, en 2011, dans un arrêt publié au bulletin (Cass.soc.,26 octobre 2011, n° 10-27.134 PB).
Si des modifications peuvent donc être apportées à un protocole préélectoral, elles doivent impérativement être négociées entre le chef d’entreprise et les organisations syndicales intéressées dans le cadre d’un avenant. L’employeur n’est en aucun cas autorisé à déroger à cette règle par décision unilatérale, même plus favorable. Le régime est strict. La règle est limpide. L’exception n’est pas permise.
… soumis aux mêmes conditions de validité que le protocole
La Cour de cassation rappelle également que l’avenant est « soumis aux mêmes conditions de validité que le protocole lui-même ». Il obéit donc à la double exigence de majorité introduite par la loi du 20 août 2008 (C.trav., art. L2324-4-1 et L.2314-3-1 anciens) et transposée par les ordonnances à l’élection du CSE (C.trav.,art.L.2314-6), à savoir signature par :
- la majorité des OS ayant participé à sa négociation;
- et les OS représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles, ou , en cas d’indisponibilité des résultats, par la majorité des organisations représentatives dans l’entreprise.
Attention toutefois à l’objet de la modification envisagée, car certaines clauses du protocole sont par exception soumises à une condition d’unanimité des organisations représentatives dans l’entreprise, notamment celles qui modifient le nombre et la composition des collèges électoraux ou qui organisent le scrutin en dehors du temps de travail. L’avenant portant sur ces points sera logiquement soumis à la même condition d’unanimité.
Le régime juridique des modifications d’un protocole par avenant est donc fixé. Nul doute que la solution aura vocation à s’appliquer à la modification du protocole conclu en vue de l’élection du CSE.
Cass. Soc., 3 octobre 2018, N°17-21.836F-PB
Liaisons sociales Quotidien Actualité du 16 octobre 2018