En matière de travail dissimulé, il n’est pas rare que les débiteurs se retrouvent en cessation de paiement lorsque l’infraction pénale est constatée. Quand cela arrive, les inspecteurs mettent en œuvre la solidarité financière prévue aux articles L.8222-1 et suivants du Code du Travail.

C’est dans ces conditions que l’URSSAF du Nord – Pas de Calais a dressé un procès-verbal de travail dissimulé à l’encontre d’une société de gardiennage et de sécurité en juin 2018. Cette société n’a pas pu faire face au redressement qui s’en est suivi (Redressement judiciaire en novembre de la même année).

Par conséquent, l’URSSAF a fait jouer la solidarité financière pour plus d’un million d’euros auprès de 4 donneurs d’ordre pour défaut de vigilance. Ces donneurs d’ordre étaient des associations caritatives ou humanitaires, notamment l’ABEJ, les Moulins de l’Espoir (Armée du salut), l’AFEJI et le foyer Béthel de Tourcoing. La dette a été répartie entre les 4 associations au prorata des missions qui avaient été confiées à la société de sécurité. C’est l’exacte application de la législation en vigueur, ni plus ni moins. Cette situation a été reprise par la presse en novembre 2019 (Libération, 20 Minutes, La Voix du Nord).

La réaction du Ministre de l’Action et des Comptes publics Gérald Darmanin a été immédiate. Le 18 novembre 2019, il a déclaré qu’il allait faire application de « l’esprit du droit à l’erreur » et que, au moins pour une des associations, la mise en jeu de la solidarité financière serait annulée. Il est intervenu par le biais de la médiation instaurée par la Loi ESSOC (pour une société de confiance) au bénéfice d’une seule association au motif que des attestations de vigilance avaient été produites.

Toutefois, les attestations de vigilance sollicitées ne couvraient pas l’ensemble des périodes concernées par les régularisations s’agissant de l’association bénéficiant de la mesure spirituelle. Par ailleurs, pour les autres, aucun justificatif n’avait été fourni. De surcroît, il convient de rappeler qu’au-delà de la vigilance exigée par les textes, la diligence est de mise : ainsi, convient-il de s’assurer que les déclarations effectuées auprès de l’URSSAF soient en adéquation avec les prestations sollicitées (effectif nécessaire à l’accomplissement de l’activité et rémunérations allouées).

Les autres associations ont saisi la Commission de Recours Amiable. Certaines avaient commencé à régler leur dette.

Lors du Conseil d’Administration de l’URSSAF du Nord – Pas de Calais du 6 décembre 2019, les administrateurs ont exprimé leur colère et ont soulevé 2 questions :

  • Quid de l’égalité entre les entreprises ?
  • Quid de la valorisation du travail de l’inspecteur ?

Lors de la réunion du Contrôle en assemblée plénière du 10 décembre 2019, le sujet a bien évidemment été évoqué. Les inspecteurs ont été invités à faire preuve de discernement devant les situations qu’ils rencontrent. Il est à souligner que les inspecteurs du Nord – Pas de Calais spécialisés dans la lutte contre le travail dissimulé ont interrogé leur Direction, dès le 21 novembre suite à l’intervention du Ministre, pour savoir s’il fallait continuer à mettre en œuvre la solidarité financière. Faute de réponse, ce dispositif législatif est pour le moment suspendu.

Pour rappel, les objectifs de la Convention d’Objectif et de Gestion sont faramineux en matière de travail dissimulé. Et nul doute que la solidarité financière est un levier important pour l’atteinte de ces résultats.

 

Pour l’URSSAF du NORD – PAS DE CALAIS, le Contrat Pluriannuel de Gestion (CPG) signé avec l’ACOSS le 20 juillet 2018 a pour indicateurs de résultats les données suivantes :

 

INDICATEURS Année 2018 Année 2019 Année 2020 Année 2021 Année 2022 COG 2022
Montants redressés LCTI en cumul 21 227 967 € 57 758 562 € 97 099 202 € 139 249 889 € 184 210 621 € 3 500 M€
Montants recouvrés LCTI en cumul 2 304 145 € 4 143 902 € 7 515 957 € 11 450 021 € 16 170 898 € 316 M€

Mais pour le moment, afin de savoir si la solidarité financière doit être mise en œuvre, la seule question qui se pose est : Esprit es-tu là ?

 

Serge PHILIPPE, Secrétaire de la Commission Permanente Professionnelle des ACERC