Alain Gautron participe aux côtés de Philippe Pihet, secrétaire confédéral, aux négociations sur l’encadrement, ouvertes depuis la fin 2017. Retrouvez ci-dessous l’article de Liaisons sociales quotidien du 15 mars 2018, suite à la réunion de négociation du 13 mars.
Patronat et syndicats avaient rendez-vous le 13 mars 2018 pour une deuxième séance de négociation sur la définition de l’encadrement au cours de laquelle un premier projet de texte patronal a été mis sur la table, après une première séance consacrée aux objectifs, à la méthode et au calendrier de cette négociation. Au cours de cette séance, d’importants désaccords se sont révélés entre patronat et syndicats, ces derniers reprochant au projet d’ANI de se limiter uniquement au sujet de la prévoyance des cadres et de laisser aux branches toutes latitudes dans la détermination du périmètre de l’encadrement. Les syndicats sont en effet unanimes sur la nécessité de mettre en place une définition « socle » du périmètre des cadres au niveau national interprofessionnel.
Un rôle prépondérant des branches dans la définition de l’encadrement
Le cadre fixé par l’article 8 de l’accord Agirc-Arrco du 30 octobre 2015 prévoit que la négociation sur la définition de l’encadrement a pour objectif de déterminer des dispositions supplétives, qui viendraient s’appliquer à défaut de normes fixées au niveau des branches. Le projet de texte en tire des conséquences strictes en indiquant dans son préambule que « la grande hétérogénéité de cette population [des cadres] peut en effet difficilement être appréhendée au niveau national interprofessionnel » et qu’une « définition [à ce niveau] ne peut dès lors avoir comme objet que la détermination des bénéficiaires de la prévoyance spécifique des cadres ». Il prévoit donc :
- Qu’il appartiendrait aux partenaires sociaux des branches de préciser à partir de quel niveau de classification les salariés bénéficient de cette prévoyance ;
- A défaut d’accord de branche, ces bénéficiaires seraient déterminés par les entreprises sur la base des critères larges qu’il fixe (voir ci-après).
Une position qui a suscité l’opposition unanime de l’ensemble des syndicats de salariés, pour qui l’enjeu de la négociation va bien au-delà d’un renvoi aux branches pour la définition du périmètre de l’encadrement et d’une simple détermination des bénéficiaires de la prévoyance spécifique des cadres au niveau national interprofessionnel. « Le Medef refuse de redonner une définition interprofessionnelle de l’encadrement », a déclaré Marie-José Kotlicki (CGT). « Le projet de texte ne répond pas à nos attentes, même extrêmement éloignées », a renchéri Marylise Léon (CFDT). « On n’est pas franchement ébouriffé par le vent d’ambition du texte », conclut Philippe Pihet (FO). Autre point de désaccord entre patronat et syndicats, l’apport de nouveaux droits rattachés au statut de cadre. « Les organisations syndicales souhaitent mettre dans la négociation un certain nombre de droits et devoirs, ce qui est exclu pour nous au niveau national interprofessionnel », a déclaré Serge Vo-Dinh (Medef).
Des critères applicables à défaut d’accord de branche par les entreprises
Le projet de texte propose une liste de plusieurs critères alternatifs permettant de déterminer si un salarié est un cadre bénéficiaire de la prévoyance, la combinaison de plusieurs d’entre eux permettant ce rattachement selon un faisceau d’indices :
- Une connaissance et une expérience reconnue par une formation initiale ou une expérience équivalente. Ces deux critères engloberaient notamment des connaissances et aptitudes nécessaires pour exercer et maîtriser une fonction et permettant aux salariés d’apporter un avis pertinent dans une technique, une discipline ou une spécialité ;
- Une autonomie et une responsabilité considérée selon la liberté du salarié dans l’organisation de son travail et dans le choix des actions et moyens à mettre en œuvre pour exercer son activité. Le texte évoque également la nécessité de gérer ses priorités de façon autonome, la prise des décisions dans le cadre de directives générales, y compris dans le cadre d’une délégation de pouvoir, ainsi que la nature et l’impact des activités et décisions prises dans le cadre de la marge d’autonomie dont dispose le salarié ;
- Une contribution de l’exercice de la fonction aux performances de l’entreprise ou de l’équipe ;
- Une complexité caractérisée par l’aptitude à gérer des situations complexes, imprévues et qui nécessite de mobiliser plusieurs compétences. La réponse à des sollicitations multiples et l’interaction avec plusieurs types d’interlocuteurs internes ou externes pourraient également caractériser le critère de complexité ;
- L’encadrement, qui pourrait se traduire par des responsabilités hiérarchiques mais aussi d’animation dans le cadre, par exemple, de missions en mode projet.
Des critères parfois jugés intéressants par les syndicats, mais qui ne peuvent se limiter pour eux à la détermination des bénéficiaires de la prévoyance spécifique des cadres. « Il y a de bons critères mais ils sont uniquement limités au cadre de la prévoyance » ; « nous voulons donner une définition du cadre en général », a précisé Pascale Coton (CFTC). « Il y a des critères que l’on peut regarder », a renchéri Marylise Léon.
Reconduction de la cotisation de 1,5 % sur la tranche 1
Le projet d’accord prévoit le maintien de la cotisation de 1,5 % destinée au financement de la prévoyance des cadres. Le produit de cette cotisation devrait être affecté à des garanties telles que le décès, l’incapacité ou l’invalidité « mais les branches auraient la possibilité d’y inclure d’autres garanties collectives que les partenaires sociaux de la branche jugeraient utiles ». A cet égard, Gérard Mardiné (CFE-CGC) considère qu’il « faudra flécher vers de la prévoyance lourde, qui va mécaniquement être amenée à augmenter du fait du vieillissement de la population et de l’augmentation de l’âge de départ à la retraite ». A défaut d’accord de branche, le projet de texte prévoit a minima que les entreprises devraient mettre en place un dispositif de prévoyance comprenant la couverture décès.
Vers une prolongation de la négociation
Compte tenu des échéances électorales internes du Medef, un prolongement du calendrier de la négociation a été évoqué. En effet, si les deux prochaines séances sont prévues pour le 10 avril et le 24 mai prochain, une extension au-delà du 3 juillet, date de l’élection du futur président du Medef a été évoquée. « On est pour attendre la fin des élections, rien ne presse », a indiqué Marie-José Kotlicki. « On pense que la négociation se terminera après le 3 juillet », a renchéri Gérard Mardiné. Précisons qu’à défaut du succès de cette négociation d’ici la fin de l’année, un accord spécifique a été conclu le 17 novembre 2017, en parallèle de l’accord sur la fusion de l’Agirc-Arrco, qui permettrait de continuer à se référer à la définition de l’encadrement prévu aux articles 4 et 4 bis de la CCN du 14 mars 1947 concernant l’obligation de cotiser à 1,50 % sur la première tranche pour financer un régime de prévoyance complémentaire.
Source : Liaisons Sociales Quotidien