Comme nous l’avons déjà évoqué, la LFSS pour 2020 stipule que le recouvrement des cotisations AGIRC-ARRCO sera opéré par le réseau ACOSS au 1er janvier 2022.
Cette disposition législative vient de loin ; il y a déjà plusieurs années, le Haut Conseil du Financement de la Protection Sociale (HCFIPS) avait défriché le terrain dans le sens voulu par l’Administration, notamment celle du Trésor.
FO avait alors émis ses critiques, tant politiques que techniques.
Politiquement ce recouvrement par l’ACOSS revient à faire des caisses de retraite complémentaire des salariés du privé des caisses « dépensières » à l’instar des CPAM ou des CAF.
Cela remet en cause l’indépendance du régime AGIRC-ARRCO, qui depuis sa création, n’a jamais coûté un euro (et même avant un franc) au budget de la Sécurité sociale ou à celui de l’Etat.
Nous avions parlé à l’époque, et le confirmons aujourd’hui, qu’il s’agit en fait d’une réforme des retraites à bas bruit, qui vise uniquement les salariés du privé.
Rappelons que même avec les effets de la pandémie sur l’exercice 2020, les réserves AGIRC- ARRCO dépassent encore les 61 milliards d’euros …
Techniquement, nous avions fait remarquer que la maille du recouvrement ACOSS est l’entreprise, les spécialistes disent le SIRET, alors que la maille du recouvrement AGIRC-ARRCO est le salarié.
L’entretien que nous avons eu avec la direction générale de l’ACOSS, suite à la publication d’un premier article sur le sujet, n’avait pas modifié notre analyse, ce qui pouvait aux yeux de cette dernière, nous faire passer pour des dogmatiques réfractaires à tout changement.
Nous avions argumenté sur le risque que faisait courir aux quelques 18 millions de salariés actuels, futurs retraités, un traitement des informations « partagé » entre AGIRC-ARRCO et ACOSS, sans parler de la relation avec les entreprises.
Vous trouverez ici un courrier du président de la SDDS (Simplification Dématérialisation des Données Sociales).
Cette association regroupe les éditeurs de logiciels et prestataires de services dans le domaine social (établissement des programmes de paie).
Ce courrier s’adresse au directeur de la Sécurité sociale, et nous permet « d’apprendre » notamment
- que « l’ACOSS est en effet une exception puisque tous les autres organismes sont à maille nominative »,
- que l’association est « toujours en attente de précisions pour les cas complexes de cotisations AGIRC-ARRCO ».
Ainsi donc, nous les dogmatiques avions raison d’alerter sur le risque que fait courir ce projet pour les salariés du privé.
Pour ne revenir que sur les « cas complexes de cotisations AGIRC-ARRCO » :
- comment sera pris en compte le fait qu’environ 17% des entreprises en France cotisent au-delà des taux contractuels de retraite complémentaire ?
- comment sera pris en considération, en cas de retraite progressive le fait que par accord d’entreprise, la personne concernée, si elle est par exemple à mi-temps, peut continuer à verser des cotisations sut une base de temps plein ?
Ces deux exemples sont emblématiques de la complexité des règles édictées au fil des années par les partenaires sociaux à travers les accords AGIRC-ARRCO (pour la retraite progressive, le sujet se pose aussi au régime général).
Ne pas en tenir compte est une faute technique mais aussi et surtout politique.
De longue date, la haute administration n’a jamais toléré la « liberté » accordée aux partenaires sociaux.
Dans le régime général, il suffit de regarder la différence entre la gouvernance issue des ordonnances de 1945 et la gouvernance actuelle. En assurance maladie, ce ne sont plus des conseils d’administration, mais des conseils…
Il reste donc aujourd’hui ce bastion de paritarisme qui gère un quart des retraites dans notre pays (84 milliards sur 330 pour les retraites).
Au-delà même de la prise de contrôle de la gestion, nous l’avons vu, il y a les réserves… en tout (tous régimes confondus) avant la crise COVID, on parlait de 130 milliards d’euros.
Cette disposition législative qui transfère le recouvrement fait partie d’une « offensive » qui a (avait suite à la crise) pour objectif de prendre les excédents attendus de la sphère sociale pour atténuer les déficits du budget de l’Etat.
Les sceptiques pourront se reporter à la lecture de la loi de programmation des finances publiques du 22 janvier 2018 (loi n°2018-32).
On le voit, nous sommes bien loin de critiquer les collègues du recouvrement, ils ne font pas le même métier que les collègues de l’AGIRC-ARRCO, la différence est à la fois simple et fondamentale : l’AGIRC-ARRCO établit tous les mois le lien entre cotisations et droits à retraite, salarié par salarié. C’est cela qui est en jeu, le calcul de la future retraite de 18 millions de salariés aujourd’hui.
Force Ouvrière, persuadée de la justesse du concept de salaire différé, ne peut pas rester indifférente sur sa traduction pratique et quotidienne.
Alain Gautron, Secrétaire Général du SNFOCOS
Philippe Pihet, Représentant FO à l’AGIRC ARRCO