La réforme du système de retraite devrait profondément bousculer l’activité retraite complémentaire des groupes de protection sociale.

Dans le domaine de la retraite, en application de l’article 10 de l’accord national interprofessionnel du 30 octobre 2015, les régimes AGIRC-ARRCO ont fusionné au 1er janvier 2019 dans un régime unifié de retraite complémentaire paritaire et par répartition.

La réforme annoncée instituerait un grand régime unifié par point, un âge d’équilibre et la création de la caisse nationale de la retraite universelle (CNRU), qui serait mise en place dès le 1er décembre 2020 et dotée d’un conseil d’administration paritaire composé des représentants des employeurs – y compris publics – et organisations syndicales. A souligner, l’article mentionne à la fois les « organisations syndicales représentatives » et précise que « les représentants sont désignés par les organisations syndicales ayant obtenu une audience combinée supérieure à 5 %. ».

La création de la CNRU conduira à faire disparaitre tous les opérateurs actuels du système et à très court terme la CNAV et l’AGIRC-ARRCO fusionnés dans la CNRU, avec une gouvernance réduite à la portion congrue. Ce projet de système universel de retraite conduirait à étatiser le système collectif de retraite.

La CNRU doit démarrer son activité le 1er décembre 2020 afin de commencer à transformer le système existant. L’article 50 du projet de loi explique que la CNRU « pourra bénéficier du concours de moyens et d’agents mis à disposition par les régimes et recruter du personnel en propre ». Elle recevra « une dotation attribuée par la CNAV, l’AGIRC-ARRCO et les autres organismes chargés de la gestion d’un régime de retraite légalement obligatoire », et aura « une mission de veille vis-à-vis des régimes en matière de gestion et de pilotage ».

L’article 57 prévoit une « intégration financière » de la CNRU et de la CNAV, CNAVPL (caisse des professions libérales) et CNRACL (caisse des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers) dès 2022. A compter de 2025, la CNRU « versera des dotations de compensation aux régimes d’assurance vieillesse complémentaire obligatoires pour assurer le financement des pensions versées aux assurés qui y demeurent affiliés ». Il autorise le gouvernement à légiférer par ordonnance pour « mutualiser la trésorerie du système universel de retraite au niveau de l’ACOSS », la « banque » de la Sécurité sociale.

Ainsi, le transfert du recouvrement de l’Agirc-Arrco vers l’Acoss remettra en cause dans un délai rapide une fonction exercée par la retraite complémentaire supposant des métiers et des emplois à la clef.

Les retraites complémentaires des salariés du secteur privé sont un des derniers bastions du paritarisme et le plus important, parmi l’ensemble des régimes de retraite.

Le paritarisme de gestion, ou cogestion d’organismes par les partenaires sociaux signifiait jusqu’à présent une autonomie de leur gouvernance, de leur budget et de leur organisation.

La gouvernance du nouveau régime universel de retraite remet en question le rôle des partenaires sociaux, essentiellement réduit à une fonction de conseil et d’appui technique. Le paritarisme est en danger.

Jocelyne LAVIER D’ANTONIO

Conseillère du SNFOCOS en charge de la prévoyance sociale