Au-delà des débats parlementaires en cours et des concertations entre les partenaires sociaux et le gouvernement, le projet de loi pouvant rayer d’un trait de plume les CARSAT pose un vrai problème de gestion et de gouvernance des 316 milliards d’euros que représentent les retraites.

Le compte rendu de la rencontre de l’intersyndicale des agents de direction avec le directeur de cabinet du secrétaire d’Etat chargé des retraites laisse entendre que les établissements locaux seraient bien dotés de la personnalité morale avec un conseil d’administration et un directeur.

C’est une avancée majeure, en attente de concrétisation.

Le directeur comptable et financier n’est pas évoqué, mais même si cela semble aller de soi dans le cas où la retraite serait bien maintenue dans le champ de la Sécurité sociale.

Il faut souligner que son existence est le gage, à travers les processus de certification des comptes et du régime de responsabilité personnelle pécuniaire et financière qui lui est rattaché, de la diffusion dans l’ensemble des organismes locaux – au plus près de la production – d’une culture et d’une animation du contrôle interne fondée sur une analyse des risques, définie au national et complétée au niveau local.

Les CARSAT ont montré leur capacité à assurer un fort taux de contrôle des liquidations de pensions (65 à 70% aujourd’hui). Mais les agents comptables locaux sont aussi en capacité d’insuffler, dans une organisation par processus normée, un travail transverse avec les services de liquidation pour développer les supervisions ordonnateurs, les coordonner avec les contrôles comptables, d’évaluer les risques à chaque étape de production avec les experts techniques, tout en étant à la fois conscients de la qualité du service (délais) et de la qualité financière. Cette plus-value locale sur la production peut difficilement se déployer depuis le niveau national sur des agences déconcentrées.

La présence d’équipes comptables au niveau local garantit également le contrôle de la dépense sur toutes les gestions au quotidien.

Cela conforte également le niveau national chargé de la combinaison et du contrôle des comptes locaux et du contrôle de l’effectivité des mécanismes de contrôle interne, il est conforté dans un rôle de superviseur et d’animateur de sécurités pour l’ensemble du réseau, ce qui serait plus difficilement le cas s’il était embolisé par la production comptable quotidienne.

Les agents comptables locaux ont des obligations de résultats dans la qualité de la gestion financière, obligations dont ils doivent rendre compte devant les conseils qui les ont nommés en plus de devant leur agent comptable national.

Le maintien d’une comptabilité locale – régionale pour les CARSAT – permet de plus, d’avoir une réactivité immédiate sur les incidents qui peuvent émailler les versements aux pensionnés : bugs, fraudes au RIB, procurations, incidents de paiements…

L’existence d’un réseau d’organismes autonomes juridiquement permet en outre, avec un encadrement par la tête de réseau, de développer des innovations, de les tester, puis ensuite de permettre à la caisse nationale de les labelliser et de les étendre. Cette autonomie encadrée, commune à tous les organismes de Sécurité sociale, garantit une grande capacité d’adaptation, une réactivité certaine – le succès de l’intégration du RSI en est la preuve.

La proximité des clients, confrontés à des organismes responsables dont les dirigeants sont identifiés est sans nul doute une cause de cette réactivité.

Ce sont des atouts éprouvés qu’il serait prudent de conserver, surtout face à une longue période de mise en place concrète de la réforme des retraites. La stabilité des organisations locales est un gage de réussite, car elles chercheront des solutions pour être performantes parce qu’elles resteront les responsables directs de la qualité de service devant les pensionnés et les partenaires sociaux du conseil. La stabilité est également importante pour la mobilisation des personnels face à une réforme de cette ampleur.

L’existence de directeurs comptables et financiers dans les organismes locaux est un facilitateur pour un contrôle et une réussite maitrisés face à des modifications règlementaires très complexes impactant des prestations financières qui se calculent sur une vie entière, avec tous les alea que cela comporte.

Personne ne peut plus affirmer aujourd’hui que la Sécurité sociale est mal gérée : ses performances de service sont remarquables dans un contexte réglementaire fluctuant. Ses coûts de gestion sont maitrisés. Et ses comptes sont certifiés par un commissaire aux comptes des plus exigeants, puisqu’il s’agit de la Cour des Comptes.

La certification des comptes des futures instances, fondée sur la responsabilité personnelle des comptables, est à la fois un gage d’efficacité pour le régime et de confiance pour les allocataires du futur régime.

Il est capital pour la réussite du projet de réforme quel qu’il soit, de conserver une gouvernance comptable efficiente comme celle de la Sécurité Sociale.