RÉFORME DE LA RESPONSABILITÉ DES DCF : DILUTION DES RESPONSABILITÉS OU SOURCE DE CONTRAVENTION : UNE RÉFORME QUI NE CONVAINC PAS
La responsabilité personnelle et pécuniaire des Directeurs Comptables et Financiers (DCF) d’organismes de Sécurité sociale est depuis des décennies le symbole de notre indépendance sur la gestion des fonds et un levier pour que nous ayons les moyens de garantir une utilisation régulière de ceux-ci.
L’ordonnance du 23 mars 2022 fixe un nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics.
Sur les attendus de la réforme, force est de dire qu’ils sont flous. Nés dans le giron du ministère des finances – où les comptables exercent à l’extérieur des collectivités dont ils tiennent les comptes- cette réforme est étendue aux comptables des organismes de sécurité sociale, où nous exerçons nos missions à l’intérieur même d’organismes et où nous sommes placés sous l’autorité hiérarchique des directeurs.
Faut-il y voir une nouvelle marque de la volonté d’étatisation de la protection sociale ? Une incapacité du ministère des Finances à identifier que les modes de fonctionnement de la Sécurité sociale peuvent être différents et tout aussi –plus ?- efficaces que ceux de l’Etat : on peut légitimement se poser la question.
L’objectif de la réforme est de passer d’une responsabilité sans faute et donc quasi jamais mise en cause, à une responsabilité avec faute dont quelque part, on veut nous laisser entendre qu’elle ne le sera pas plus.
Si vous voulez tout savoir, il est attendu de :
- sanctionner plus efficacement les gestionnaires publics qui, par une infraction aux règles d’exécution des recettes et des dépenses ou à la gestion des biens publics, ont commis une faute grave ayant causé un préjudice financier significatif ;
- limiter la sanction des fautes purement formelles ou procédurales qui doivent désormais relever d’une logique de responsabilité managériale ;
- moderniser d’autres infractions dont sont actuellement passibles les justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF), notamment la faute de gestion et l’avantage injustifié, ainsi que le régime spécifique de la gestion de fait.
Ces infractions, applicables aux personnels fonctionnaires ou contractuels, seront sanctionnées par des peines d’amendes plafonnées à six mois de rémunération ou à un mois pour les infractions formelles. Elles seront prononcées par le juge de manière individualisée et proportionnée à la gravité des faits reprochés, à l’éventuelle réitération des pratiques prohibées ainsi que, le cas échéant, à l’importance du préjudice. »
Bercy doit surement penser que les DCF commettant une faute grave ne sont pas sanctionnés dans les organismes de Sécurité sociale. On s’étonne même que ce ne soit pas le cas pour les gestionnaires publics. La notion de faute de gestion est autrement plus interpellante. Qu’est-ce donc ? Le ministère nous dit que ce n’est pas applicable à la Sécurité sociale. Nous aimerions le voir écrit clairement dans la circulaire d’application attendue.
On devrait se sentir « rassuré » que les fautes purement formelles ou procédurales relèvent d’une responsabilité managériale dont la sanction est limitée à seulement un mois de salaire. L’Etat cherche-t-il à renflouer ses caisses sur nos salaires ? Qu’est-ce qu’une faute purement formelle ou procédurale relevant d’une responsabilité managériale ? Est-ce qu’un retard dans la production des comptes peut engager ma responsabilité ? Celle de mes agents et de mes cadres aussi ? Car, de ces fautes, nous sommes tous justiciables, du comptable au DCF, mais aussi du technicien au directeur.
Ce système pourrait conduire, soit à tellement diluer les responsabilités qu’elles ne s’appliqueraient plus, soit à multiplier les mises en cause pour des fautes procédurales sanctionnées d’une amende.
Compte tenu des conséquences sur nos métiers, le SNFOCOS a demandé et obtenu un rendez-vous à la DSS pour clarifier les attendus et modalités de cette réforme. Nous avons appelé le ministère à une grande vigilance sur les points suivants et à clarifier/documenter précisément les conséquences de la réforme.
Maintenir la stricte séparation de l’ordo et du comptable ?
Quel est le champ de responsabilité propre conservé par le DCF : valeurs, caractère libératoire des paiements, gestion des créances… ? Nous souhaitons que cela soit clairement décrit dans la circulaire d’application à paraitre.
Maintenir l’indépendance du comptable et les moyens de la protéger.
Pour l’indépendance des DCF, il n’y a pas d’éléments de réponse claire. La RPP est supprimée, et remplacée par la responsabilité du directeur et une responsabilité du DCF : Chacun la sienne, nous dit le ministère qui se veut rassurant. Ce n’est pas une co-responsabilité comme pour le contrôle interne. Cela mérite d’être clairement énoncé et que le pouvoir de délégation séparée et non cumulable soit maintenu en l’état. C’est la garantie de pouvoir exercer un contrôle indépendant sur la dépense.
Quelle gestion des désaccords ?
La possibilité de demander une réquisition subsiste. Le DCF national a récemment déclaré que la CNAM gèrerait les désaccords, le ministère renvoie à la MNC ? C’est donc à bien cadrer. Cela nous semble fondamental pour la gestion des fonds publics.
Quel est le seuil de significativité qui fait basculer l’erreur dans la faute ?
L’ordonnance fait référence au budget de l’entité. Nous n’avons de budget que pour la GA et les budgets limitatifs ciblés ( ASS, FNPEIS…). Le risque est-il exclu ou intégré ? Avouez que ça change la donne.
Quelles seront nos voies de recours en cas de sanction ?
Là aussi il faudra bien le préciser, surtout que certaines procédures demandent le recours obligatoire à un avocat. Ces infractions seront-elles inscrites au casier judiciaire et à quel volet ? la réponse n’est pas encore disponible. Bref cette réforme nous semble bien complexe pour un apport plutôt limité à la sécurité sociale : à vouloir le changement pour le changement, on risque de s’y perdre. Le ministère et nos caisses nationales se veulent rassurantes, mais la perspective de création d’un droit uniquement jurisprudentiel par la souveraine cour des comptes n’est pas forcément faite pour nous rassurer.
Le SNFOCOS demande que les champs concrets de cette responsabilité soient strictement délimités et illustrés. Cette réforme étant applicable au 1er janvier 2023, nous exigeons en conséquence que l’UCANSS se penche rapidement sur notre convention collective
Si la prime de contrôle des délégataires DCF n’est a priori pas impactée, la prime de responsabilité des DCF et des fondés l’est. Assurance et cautionnement sont remis en cause par la réforme, donc la prime correspondante aussi.
Nous exigeons que : aucun DCF ou fondé de pouvoir en poste ne subisse une perte de pouvoir d’achat du fait de cette réforme. Toute perte financière doit être compensée.
Nous exigeons que le nouveau régime de responsabilités soit accompagné d’une valorisation de celle-ci compte tenu du risque d’amende encouru, même sur des fautes « procédurales ».
Nous constatons au fil des vacances de poste que les postes de DCF font de plus en plus l’objet d’un 2ème, 3ème appel. La question de l’attractivité des fonctions de DCF reste donc posée avec plus d’acuité encore que précédemment et elle relève de l’UCANSS. Les directeurs sont impactés à même hauteur. Nous voulons le maintien du statut de cadre dirigeant des DCF pour l’équilibre des pouvoirs et une revalorisation des fonctions des directeurs et DCF et fondés : en coefficients de base et développé et en accroissant les parts variables des directeurs et DCF/fondés.
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Cécile Dolomie, Secrétaire Nationale en charge de la Branche Maladie, du régime de retraite AGIRC/ARRCO et des Agents de Direction