Après une course contre la montre, les interlocuteurs sociaux sont parvenus à trouver un terrain d’entente le 26 novembre dans la négociation d’un accord national interprofessionnel (ANI) encadrant le télétravail. Toutes les organisations syndicales à l’exception de la CGT ont donné un avis favorable à l’ultime version du texte qui leur avait été soumise dans la matinée par le patronat. FO a donné son accord l’après-midi même, après avoir convoqué un bureau confédéral exceptionnel.
Au terme d’une négociation express de trois semaines, émaillée ces derniers jours de multiples rebondissements, FO a annoncé le 26 novembre signer « l’accord national interprofessionnel pour une mise en œuvre réussie du télétravail ». Le bureau confédéral s’était réuni en début d’après-midi, pour étudier la version finale du texte qui avait été remise le matin-même par les organisations patronales. Parmi les autres organisations syndicales représentatives, les instances de la CFDT et la CFTC ont également donné leur aval. La CFE-CGC a donné un avis favorable. Seule la CGT a fait part de son opposition. Elles ont jusqu’au 23 décembre pour signer l’accord.
La négociation avait démarré le 3 novembre. FO revendiquait depuis plusieurs années une négociation interprofessionnelle pour clarifier le cadre législatif du télétravail et protéger les salariés en confortant leurs droits. Dès 2019, les organisations patronales ont prévenu que la mise en place du télétravail devait se discuter à l’échelle de l’entreprise, mais nous avons persévéré, a rappelé le secrétaire général de FO Yves Veyrier lors d’une conférence de presse. Si le télétravail massif exceptionnel mis en place au printemps dernier a remis la question sur la table, les organisations patronales sont entrées à reculons dans les discussions. Elles ont été contraintes et forcées à négocier par l’environnement et la persévérance surtout de FO, a ajouté Yves Veyrier. Si les organisations patronales ont dès le départ voulu imposer un texte qui ne soit ni normatif, ni prescriptif, Yves Veyrier a rappelé qu’un ANI, par essence, porte une valeur normative.
Hiérarchie des normes et renforcement du droit syndical
Rappelant qu’il était de plus en plus difficile de négocier, le secrétaire général de FO a également souligné que par le biais de cet ANI, nous avons réinstallé l’état d’esprit de la hiérarchie des normes. Le préambule de l’ANI précise en effet que c’est au niveau de l’entreprise que les modalités précises de mise en œuvre du télétravail sont définies, dans le cadre fixé par le code du travail, les dispositions de l’ANI de 2005 et du présent accord, et par les dispositions éventuelles négociées au niveau de la branche.
Dans l’ultime version du texte rendu dans la matinée, Yves Veyrier se félicite aussi d’avoir obtenu un renforcement du droit syndical. Pour nous il était déterminant que l’ANI permette aux délégués syndicaux et aux représentants d’avoir les moyens de garder le contact avec les salariés en télétravail et de pouvoir les informer. Sur cette question-clé, FO s’est battue jusqu’au bout, a-t-il ajouté.
Le texte précise en effet que les représentants élus du personnel et les mandataires syndicaux, lorsqu’ils existent, bénéficient, en vertu de la loi, de moyens de fonctionnement équivalents, qu’ils soient dans les locaux de l’entreprise ou en télétravail. Afin de leur permettre de maintenir le lien avec les salariés en télétravail, il est utile de préciser par accord collectif, ou à défaut par une charte, les modalités adaptées d’utilisation des outils numériques à destination des acteurs du dialogue social dans l’entreprise.
La nécessité du volontariat du salarié
Sur le fond, cet ANI clarifie le cadre du télétravail, qu’il soit classique ou exceptionnel (pandémie, catastrophes naturelle, destruction des locaux de l’entreprise). Au cours de la négociation, nous sommes parvenus à obtenir pas mal d’avancées, tous nos points bloquants ont été levés, se félicite Béatrice Clicq, secrétaire confédérale chargée du numérique et chef de file de la délégation FO.
Le télétravail classique peut être mis en place par un accord collectif, une charte ou un accord de gré à gré entre l’employeur et le salarié. Le texte souligne l’importance de faire du télétravail un thème de négociation dont l’objectif est de parvenir à un accord collectif. Le texte détaille également les thématiques qui peuvent être abordées lors de cette négociation.
Parmi les revendications qui étaient portées par FO, se retrouve dans le texte la réaffirmation de la nécessité du volontariat du salarié dans la mise en place du télétravail. Il est précisé que le refus du salarié de télétravailler n’est donc pas un motif de rupture du contrat de travail.
FO a également obtenu une formalisation par écrit de la mise en place du télétravail. Le texte précise, en effet, qu’en l’absence d’accord d’entreprise ou de branche sur le télétravail, tout salarié qui accède, d’un commun accord avec l’employeur, au télétravail régulier est informé par écrit des conditions de mobilisation et de mise en œuvre de cette forme de travail, en fonction du lieu d’exercice du télétravail.
La nécessité du dialogue social en entreprise
La réversibilité — la possibilité pour le salarié de revenir à son poste en présentiel — est également confirmée. L’ultime version du projet d’accord précise que le salarié peut revenir dans les locaux de l’entreprise dans l’emploi tel qu’il résulte de son contrat de travail.
La détermination des postes qui sont télétravaillables ne sera pas uniquement du ressort de l’employeur mais fera l’objet d’un dialogue social en entreprise. La définition des critères d’éligibilité peut utilement alimenter le dialogue social et le CSE est consulté sur les décisions de l’employeur précise encore le texte.
La fréquence du télétravail est déterminée par accord entre l’employeur et le salarié mais hors circonstances exceptionnelles, l’accord rappelle l’importance d’équilibrer le temps de télétravail et le temps de travail sur site pour garantir la préservation du lien social.
Le texte précise que la mise en place du télétravail en cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure (pandémie, catastrophes naturelles, destructions des locaux d’une entreprise) doit être anticipée dans le cadre d’un accord ou, à défaut, par une la charte relative au télétravail.
Il est recommandé de repérer, en amont, les postes télétravaillables. En l’absence d’accord collectif, le CSE, s’il existe, doit être consulté sur les mesures d’organisation relatives à la continuité d’activité.
La responsabilité des employeurs
Pour préserver la conciliation entre vie privée et vie professionnelle et les dérapages en termes d’horaires et de temps de repos, l’accord précise que pour la mise en place du télétravail l’employeur fixe, en concertation avec le salarié, les plages horaires durant lesquelles il peut le contacter, en cohérence avec les horaires de travail en vigueur dans l’entreprise. L’accord rappelle aussi le droit à la déconnexion dans le contexte particulier du télétravail, qui doit faire l’objet d’un accord ou d’une charte.
En matière de santé et sécurité au travail, le texte précise que les dispositions légales et conventionnelles relatives à la santé et à la sécurité au travail sont applicables aux salariés en télétravail. Le patronat, qui avait cherché à dédouaner les employeurs de leur responsabilité en cas d’accident du travail, qui leur incombe actuellement, est revenu en arrière. Le texte indique ainsi que le télétravail étant une modalité d’exécution du contrat de travail, la présomption d’imputabilité relative aux accidents de travail s’applique également en cas de télétravail.
FO se félicite également d’avoir pu faire acter que le télétravail est une modalité d’organisation du travail qui peut faire l’objet d’une évaluation des risques professionnels adaptée.
Sur la prise en charge des frais professionnels, l’accord précise que les frais doivent être supportés par l’employeur et cette question peut être le sujet d’un dialogue social en entreprise FO a obtenu la prise en compte spécifique des salariés handicapés, pour qui le principe du volontariat s’applique également. Avec ce principe du volontariat, l’employeur ne peut pas se dédouaner de son obligation d’adapter le poste de travail grâce au télétravail, et cela évite l’exclusion d’un salarié handicapé du collectif de travail, ajoute Béatrice Clicq. Des formulations ont été apportées pour préserver le maintien d’un lien de subordination ainsi que du statut salarié pour éviter à long terme toute volonté d’ubérisation, ajoute la négociatrice FO.
Article FO – Info Militante du 27 novembre 2020 – Clarisse Josselin