Par un arrêt du 3 novembre 2016, la Cour de cassation répond par la négative à cette question posée à l’occasion d’un litige opposant Pôle emploi à la FEC FO.
Ainsi, un salarié ne peut se prévaloir du score électoral obtenu dans son établissement d’origine, pour être désigné délégué syndical dans l’établissement où il a été muté.
En d’autres termes, le score personnel de 10% n’est pas transférable en cas de mutation dans un autre établissement (Cass. soc., 3-11-16, n°15-60203 et n°15-60223).
Dans une précédente décision, la Cour de cassation avait jugé, à propos d’un transfert d’entreprise, que le score personnel de 10% obtenu dans l’entreprise absorbée était transférable dans l’entreprise absorbante et ce, même si le syndicat disposait encore de candidats ayant obtenu 10 % dans l’entreprise d’accueil (Cass. soc., 15-4-15, n°14-18653).
Dans cette affaire, la Cour de cassation interprétait l’article L 2143-3 à la lumière des dispositions de l’article 6 de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises.
Dans l’affaire ici commentée, pour les Hauts magistrats, l’article L 2143-3 du code du travail fait obligation au syndicat représentatif qui désigne un délégué syndical de le choisir parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10% des suffrages au premier tour des dernières élections au CE ou de la DUP ou des DP.
Ce n’est que si aucun des candidats présentés par le syndicat à l’une de ces élections ne remplit les conditions mentionnées au 1er alinéa de ce texte, ou s’il ne reste, dans l’entreprise ou l’établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit ces conditions, que le syndicat peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents.
En l’espèce, le salarié avait obtenu 10% aux élections professionnelles dans un établissement différent de celui au sein duquel, à la suite de sa mutation, il avait été désigné délégué syndical.
La Fédération disposait, dans ce dernier établissement, de candidats ayant obtenu au moins 10% des suffrages lors des élections, de sorte que le tribunal a exactement décidé, selon la Cour de cassation, que le délégué syndical devait être choisi parmi ceux-ci.
On le voit, la Cour de cassation continue d’appliquer strictement l’article L 2143-3 du code du travail.
Cette solution contraint le militant syndical à choisir entre mobilité professionnelle et exercice d’un mandat syndical. Il n’a d’ailleurs pas toujours le choix, dès lors qu’il est soumis à une clause de mobilité.
Une telle solution risque d’inciter certains employeurs à user et abuser de leur pouvoir de direction pour, le cas échéant, se débarrasser, par voie de mutation, d’un délégué syndical trop impliqué ou bien entraver la présence et la représentation d’un syndicat dans l’entreprise.
Une telle solution constitue une atteinte supplémentaire à la liberté du syndicat de désigner dans l’entreprise le délégué syndical de son choix.
Pour rappel, le Comité de la liberté syndicale de l’OIT, dans ses conclusions approuvées par son Conseil d’administration le 23 mars 2016, a demandé expressément à la France la révision sans délai de sa législation et en particulier de l’article L 2143-3 du code du travail. Selon ce comité, le droit des organisations syndicales d’organiser leur gestion et leur activité conformément à l’article 3 de la convention n°87 comprend tant la liberté pour les organisations reconnues comme représentatives de choisir leurs délégués syndicaux aux fins de la négociation collective que celle de pouvoir être assistés par des conseillers de leur choix.
La position de la Cour de cassation devra, selon nous, nécessairement évoluer.
Une affaire menée par FO est en cours sur cette question précise. Nous attendons avec impatience l’issue de cette procédure qui ira à n’en pas douter en cassation.
Notons que la Cour de cassation aurait pu profiter de l’affaire ici commenté pour adopter le raisonnement de l’OIT.
Chose qu’elle n’a malheureusement pas fait.