Une réforme faite par des amateurs…

Les membres du Conseil d’administration de la CCMSA avaient relevé qu’aucune étude d’impact préalable n’a été menée…le Conseil d’Etat vient d’en rajouter une couche. Rappelant que « les documents d’impact doivent répondre aux exigences générales d’objectivité et de sincérité des travaux procédant à leur élaboration », il précise que, suite à ses observations initiales, l’amateurisme et la précipitation caractérisent le travail du gouvernement :

« les projections financière ainsi transmises restent lacunaires […] cette étude reste en deçà de ce qu’elle devrait être […] la saisine des organismes qui doivent émettre un avis s’est effectuée tardivement, après que le projet de loi lui a été transmis et la plupart du temps selon les procédures d’examen en urgence […] compte tenu de la date à laquelle ces avis ont été rendus, la possibilité pour le Gouvernement de les prendre en compte est extrêmement réduite, y compris au stade de l’examen par le Conseil d’État, stade auquel au demeurant auraient déjà dû être intégrées les modifications pouvant le cas échéant en résulter.

[…] la volonté du Gouvernement de disposer de son avis dans un délai de trois semaines ne l’a pas mis à même de mener sa mission avec la sérénité et les délais de réflexion nécessaires pour garantir au mieux la sécurité juridique de l’examen auquel il a procédé. Cette situation est d’autant plus regrettable que les projets de loi procèdent à une réforme du système de retraite inédite depuis 1945 et destinée à transformer pour les décennies à venir un système social qui constitue l’une des composantes majeures du contrat social. »

…sacrifiant les CARSAT sous couvert d’un intérêt général à démontrer…

Dans son avis publié le 24 janvier 2020, le Conseil d’Etat confirme nos craintes s’agissant de la gouvernance du futur système et acte malheureusement la disparition des CARSAT.

Le Conseil d’Etat indique ainsi que le « schéma de transformation proposé par le directeur général de la CNRU avant le 30 juin 2021 doit permettre de préparer la mise en place du système universel de retraite, ce qui suppose notamment de définir et préparer les réorganisations au sein des organismes susceptibles de participer à la gestion du système universel de retraite, en particulier la fusion au sein de la CNRU de la CNAV, de la fédération AGIRC-ARRCO et de leur réseau respectif, et de conduire les projets informatiques et les évolutions des métiers nécessaires à la mise en place du système universel de retraite. »

Et d’ajouter que : « en leur imposant le respect du schéma de transformation et à terme la fusion avec la CNAV et son réseau, le projet de loi ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle au regard du motif d’intérêt général attaché à la mise en place d’un système universel de retraite »

Traduction : le futur directeur général de la CNRU devra déterminer qui au sein des CARSAT et des IRC rejoindra le réseau unique sans subir de mobilité fonctionnelle et/ou géographique, quels métiers devront « évoluer » (antiphrase signifiant que certains métiers disparaitront, notamment grâce au développement de la numérisation et des logiciels de traitement automatisé des données) et que même les IRC ne pourront pas y échapper !

…et n’épargnant pas la branche ATMP…

Pour ceux qui pensaient que la branche ATMP serait épargnée, le Conseil d’Etat relève que : « Le projet de loi habilite également le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance dans un délai de 18 mois à compter de la publication de la loi, toute mesure relevant du domaine de la loi afin d’organiser la gestion au niveau local des risques professionnels. Ce délai de 18 mois devrait lui permettre de tenir compte des conclusions de la mission confiée par le Premier ministre à un membre du Parlement sur l’organisation du système français de prévention des risques professionnels et de tirer conséquences de la suppression des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail. (CARSAT). »

Traduction : les risques professionnels ne peuvent pas être rattachés à la structure locale dont la mission unique sera de gérer les retraites, la voie est libre pour constituer des agences régionales de la santé au travail. Gageons que le Directeur de la CNAM jouera des coudes pour que la Branche maladie (qui « chapeaute » la Branche ATMP) récupère ces agences et leurs personnels, sans quoi ce sont des centaines de salariés supplémentaires qui quitteraient la Sécurité sociale.

…mais oubliant le service social !

La loi comme ses commentateurs, oublie un pan important des activités des CARSAT : le service social. Rappelons que le « service social spécialisé » de l’assurance maladie est en effet géré par les CARSAT … et hébergé dans les CPAM (comme les ELSM).

Faut-il imaginer que le service social sera rapproché des travailleurs sociaux de la branche Famille (lui permettant ainsi d’étoffer ses effectifs ) ? Ce grand oublié ne passe pas inaperçu pour le SNFOCOS qui se bat pour sauver le modèle des CARSAT dans toutes ses composantes !

En se prévalant auprès de la DSS de leur « expérience en matière d’intégration des régimes », et/ou leur « savoir-faire en matière d’intégration des personnels issus d’autres régimes » lors de l’annexion des mutuelles et du RSI au régime général, les Caisses nationales ont participé à la destruction du modèle de Sécurité sociale que nous connaissons.

Pour que la grogne qui monte dans les organismes « directement » impactés par la réforme (CNAV, CARSAT, MSA, IRC) soit entendue, à charge pour chaque salarié de se mobiliser et de s’investir pour la défense de la Sécurité sociale et de son personnel ! Que chacun s’approprie ce slogan qui résonne dans les manifestations : « La Sécu, elle est à nous ! On s’est battu pour la gagner, on se battra pour la garder ! »

Sabine VAVASSEUR, Salariée d’une CARSAT et Secrétaire nationale en charge des Branches retraite et ATMP

Pascal SERVENT, Salarié d’une CARSAT et Secrétaire national en charge des Agents de Direction et des Branches retraite et ATMP

Chafik EL AOUGRI, Salarié d’une CARSAT et Secrétaire national en charge de la Branche maladie