Avec l’accord du gouvernement le parlement a tranché en faveur d’une nouvelle branche plutôt qu’un 5ème risque. Cette branche doit permettre de prendre en charge les frais liés aux soins de santé, à l’aide spécifique autour de la perte d’autonomie ou à l’hébergement en établissements spécialisés, avec plus d’équité dans l’accès aux services et aux prestations et en réduisant la complexité des prestations et des organisations. La loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie en a confié la gestion à la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA).
Force Ouvrière était depuis longtemps favorable à la création d’un 5ème risque « dépendance » géré par la CNAM sur le modèle de ce qui existe en matière d’AT/MP, financé par des ressources qui ne soient pas trop dépendantes des aléas économiques. Cette option cohérente aurait permis une meilleure articulation de la prise en charge et de la prévention de la perte d’autonomie en utilisant notamment les services des médecins conseils.
Sur la définition du périmètre de cette branche il y a lieu d’observer que par rapport à la couverture de la dépendance celle de la perte d’autonomie agglomère des publics divers et pourrait être l’occasion de faire des économies sur le dos des personnes âgées et des handicapés. S’agissant de la gouvernance, la gestion par la CNSA risque d’échapper aux interlocuteurs sociaux étant donné qu’elle est très différente du modèle paritaire des autres branches de la Sécurité Sociale. Faudra-t-il se contenter d’un strapontin ?
Le rapport Vachey, prévu par la loi du 7 aout 2020, a été publié du 15 septembre 2020. Il formule des recommandations sur les principes et l’architecture de cette nouvelle branche et identifie des sources de financement à mobiliser prioritairement à compter de 2021.
Le périmètre passerait de 27 Md€ (l’actuelle CNSA) à 42 Md€ avec transfert de certaines prestations aujourd’hui dans le périmètre d’autres branches de la sécurité sociale. Cette branche devrait bénéficier d’un milliard d’euros supplémentaires dès que le PLFSS sera débattu à l’automne.
Pour compléter, des propositions sont formulées car il s’agit de dégager des marges de manœuvre à hauteur de 6 milliards d’euros d’ici à 2024. A cette date la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) cédera 0,15 point de CSG à la nouvelle branche, soit 2,3 milliards d’euros par an.
La lecture des propositions de financement formulées dans ce rapport s’apparente à un millefeuille d’inventions pour inscription au concours Lépine du jaillissement de ressources financières.
On trouve à l’inventaire :
- des transferts venant du Fonds de Réserve des Retraites, des ressources d’Action Logement et de la branche famille,
- des mesures d’économie touchant l’Allocation Adulte Handicapées et l’Allocation Personnalisée d’Autonomie,
- une réduction de certaines niches sociales et fiscales (suppression pour le recours aux services d’aide à domicile de la possibilité de bénéficier de l’exonération totale de cotisations patronales du seul fait de l’âge, abaissement du crédit d’impôt au titre de l’emploi d’une personne à domicile, abaissement de la réduction d’impôt au titre des frais de dépendance et d’hébergement),
- des financements privés (assurances volontaires, création d’un prêt immobilier dépendance à partir de l’admission à l’APA),
- d’éventuels prélèvements obligatoires (abaissement du seuil de réduction de certaines cotisations, révision du plafond pour l’abattement au titre des frais professionnels, alignement du taux normal de CSG des retraités et invalides sur celui des actifs , réduction de moitié du plafond de l’abattement de 10% des pensions et retraites pour le calcul de l’impôt sur le revenu, application d’une déductibilité de la CSG de l’impôt au taux de 3,8% sur tous les revenus de remplacement, extension de l’assiette de cotisation pour la contribution supplémentaire à l’apprentissage (CSA), assujettissement de revenus de remplacement aujourd’hui exonérés, création d’une nouvelle tranche pour les transmissions de patrimoine).
A l’examen un nombre certain de ces mesures représente une charge financière pour les handicapés et les personnes âgées. Cherchez l’erreur…
Pourtant, il est illusoire de croire que cette nouvelle branche pourra être financée sans cotisation. Face à ce principe de réalité, pour construire un système avec une répartition des coûts et une prise en charge pérenne et efficace l’option d’une cotisation solidaire spécifique portant sur les salaires, les retraites et les revenus financiers est à étudier. C’est une revendication de Force Ouvrière.
Jocelyne Lavier d’Antonio, en charge de la protection sociale