Ces dernières années, les organismes sociaux ont vécu divers projets importants (régionalisation, fermetures d’accueils ou de sites…). En 2016-2017, les CPAM ont ainsi vu passer le TRAM. Dans ce contexte, certains CHSCT ont pris leurs responsabilités et ont usé d’un droit majeur : le recours à l’expertise. S’agissant d’un projet de réorganisation des activités ayant des conséquences sur la santé, la sécurité et les conditions de travail des employés et cadres, il était important que les représentants du personnel disposent d’une information neutre quant aux impacts éventuels des réorganisations et quant aux mesures de prévention et d’accompagnement mises en œuvre.

Après avoir accompli les démarches nécessaires, les CHSCT ont pu choisir un cabinet indépendant sans que l’employeur ne puisse « s’ingérer » dans ce choix et lui confier des missions :

  • D’abord, établir un diagnostic neutre sur les situations de travail existantes,
  • Ensuite, analyser les conséquences du projet sur les conditions de travail, l’hygiène et la sécurité, et les risques psychosociaux induits,
  • Enfin, élaborer des propositions concrètes visant à réduire et prévenir les éventuels risques pouvant en résulter.

L’employeur assumait seul la charge de l’expertise de sorte que les élus pouvaient accomplir pleinement leur mission de prévention sans avoir à faire d’arbitrage économique.

Désormais, l’entité CHSCT a disparu et une commission HSCT la remplace. Le recours à l’expertise a survécu mais à quel prix ? D’abord, à chaque étape du processus d’une expertise, l’employeur pourra présenter une contestation portant sur : la nécessité de l’expertise ; le choix de l’expert ; le coût prévisionnel, l’étendue ou la durée de l’expertise, enfin le coût de l’expertise.

Ensuite, si le TRAM 2 venait à être lancé ou tout autre projet important impactant l’organisation du travail (un déménagement, l’introduction d’une nouvelle technologie…), les élus au Conseil Social et Economique (CSE) devraient désormais prendre en compte le coût de l’expertise. En effet, face à un projet de réorganisation, l’expertise devrait être cofinancée à hauteur de 20 % par le budget de fonctionnement du CSE… à moins qu’il n’apparaisse un « risque grave » portant sur la santé et la sécurité des salariés, auquel cas l’employeur devrait assumer intégralement le coût de l’expertise. Concrètement, prenons le cas d’un organisme de taille moyenne souhaitant recourir à une expertise et dont le coût estimé s’élèverait à 30 000 euros. Dans ce cas, il faudrait que le CSE mobilise 6 000 euros dans son budget de fonctionnement. Rappelons que le budget de fonctionnement couvre les dépenses administratives : fournitures de bureau, frais de communication téléphonique, financement de la formation et des déplacements des élus, rémunération de l’expert-comptable… Autant dire que la somme dont il est question représenterait un poste de dépense significatif.

Dans ce cas, il est très incertain que des expertises soient sollicitées quand on voit la rareté de son recours sous l’empire des anciens textes.

Il convient donc d’ores et déjà de réfléchir aux moyens mobilisables par les élus pour veiller à ce que les impacts d’un projet important sur les conditions de travail, la santé et la sécurité ne soient pas négatifs et que nous ne gonflons pas la liste des entreprises ayant connu des risques psychosociaux.

Chafik El Aougri, Membre de la CPPE