La Mission d’évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale (MECSS) du Sénat a publié un rapport d’information le 22 juin dernier qui préconise de reporter à 2024 le transfert du recouvrement des cotisations AGIRC-ARCCO aux URSSAF.

Pour rappel c’est au 1er janvier 2022 que ce transfert devait se faire, reporté une première fois au 1er janvier 2023 en raison de la crise sanitaire.

Ce transfert, recommandé depuis plusieurs années par la Cour des comptes, devrait procurer trois avantages principaux :

  • améliorer la performance du recouvrement,
  • réaliser des économies de gestion grâce à la mutualisation des moyens,
  • et enfin simplifier les démarches des entreprises par la mise en place d’un interlocuteur unique.

Cependant les rapporteurs du Sénat pointent que les conditions d’un transfert du recouvrement des cotisations de retraite complémentaire en 2023 ne sont pas réunies, le transfert présentant plus d’inconvénients que d’avantages en l’état : « les risques emportés par le transfert en matière de fiabilisation des données DSN surpassent le bénéfice potentiel d’une amélioration des taux de recouvrement ». Par ailleurs, le niveau des économies attendues paraît relativement limité, tout comme la simplification des démarches des employeurs, toujours selon les rapporteurs.

Enfin ces derniers jugent qu’en l’état ce transfert ferait courir un risque de « catastrophe industrielle », estimant :

  • que les capacités de fiabilisation des données individuelles de la DSN des Urssaf ont été développées trop récemment,
  • que le maintien d’une double interlocution égalitaire risque de susciter une forte illisibilité (l’Agirc-Arrco étant privée de son rôle de point de contact pour les entreprises, qui devront s’adresser aux Urssaf, lesquelles pourront faire remonter les sollicitations à l’Agirc-Arrco),
  • que la phase la phase pilote menée avec les éditeurs afin de tester les modalités de contrôle retenues en vue du transfert est encore trop peu représentative de la diversité des cas particuliers, ;
  • et enfin que l’alignement des dates d’appel des cotisations sur celles des Urssaf, soit une anticipation de 10 ou 20 jours, représenterait un impact de 6 milliards d’euros sur la trésorerie des entreprises.

Ils préconisent donc un report à 2024, « dans l’attente d’une clarification de la répartition des responsabilités entre l’Agirc-Arrco et les Urssaf et la constatation de la qualité des dispositifs de fiabilisation mis en œuvre par les Urssaf » et jugent « préférable de décréter un moratoire sur ce transfert », le temps pour les Urssaf de faire la preuve de « solides avancées » en matière de fiabilisation des données individuelles et de convaincre les partenaires sociaux, opposés à ce projet.

Enfin ils envisagent de faire constater les progrès par un tiers « qui pourrait être la Cour des comptes » avant que la décision de poursuivre ou d’abandonner le projet ne soit prise.

Rappelons ici que le SNFOCOS n’a eu de cesse ces dernières années de dénoncer ce projet de transfert qui n’a aucun fondement notamment s’agissant de la qualité de service pour les salariés et les entreprises.

Nous avons soulevé les difficultés que cette réforme implique et fait part de nos inquiétudes légitimes, notamment sur le nombre de salariés des GPS (les groupes de protection sociale, principalement Malakoff Humanis et AG2R La Mondiale) qui seraient repris par les URSSAF, à quelle date, dans quels organismes seraient-ils affectés, avec quelle formation préalable et pour quelles tâches ?

A l’instar du SNFOCOS, le Président de l’association Simplification et Dématérialisation des Données Sociétés (SDDS) s’est inquiété des problèmes techniques que cette réforme pourrait engendrer : « est-ce que cette réforme est productible au niveau des entreprises ou est-ce qu’elle est d’une complexité folle ? ».

En outre ce transfert du recouvrement des cotisations AGIRC-ARRCO vers l’ACOSS est pour nous la première étape de la mise en place de la réforme vers un système universel et une potentielle catastrophe sociale en affectant significativement le personnel de la branche recouvrement.

Nous nous réjouissons d’un éventuel report selon les préconisations de la MECSS, mais selon nous il reste à renoncer définitivement à cette réforme !

Karine Gillard, chargée de mission au SNFOCOS